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Faut-il tailler un costard aux footballeurs reconvertis en consultants ?


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Les ex-joueurs devenus consultants prospèrent sur les chaînes de sport (beIN Sports, Canal+, SFR Sport…), chacun apportant sa touche personnelle, du coup de sang à l’envolée lyrique. Passage en revue.

Ils ont troqué les shorts pour les costumes trois pièces, quitté les terrains pour les plateaux de télé. Les « consultants » sont censés compléter le commentaire informatif des journalistes par leur connaissance intime du football professionnel. Souvent, le résultat déçoit. Lieux communs, syntaxe approximative… L’ancien joueur était plus à l’aise avec ses pieds. Mais l’explosion du nombre de chaînes de sport, des retransmissions de matchs et des émissions de foot a permis l’émergence de nouvelles têtes. Le rôle de consultant prend sens. Alors que la deuxième partie du championnat de France débute ce week-end, cartographie de leurs différents styles, des avant-gardistes aux vieux briscards un peu usés.

 

 

Les tacticiens

 

 

Evidemment, un joueur moyen ne fait pas forcément un bon consultant. Mais les bons consultants ont souvent été des joueurs moyens. Illustration, sur Canal+, avec Bruno Irles. Jadis habitué au banc de touche de l’AS Monaco, l’ancien défenseur est comme chez lui sur les plateaux du Late football club et d’Infosport+. Son passé d’entraîneur au centre de formation monégasque lui permet d’offrir une vision de tacticien plus que d’ex-joueur, et de rappeler que le foot est un sport collectif. Il sait aussi se montrer pertinent sur les cas individuels, à l’image de son décryptage du jeu de Luiz Gustavo. Images à l’appui, on comprend comment le milieu marseillais se projette vers l’avant, anticipe le jeu de ses adversaires, transperce leurs lignes par sa qualité de passe. Le genre de raisonnement qu’il conclut parfois d’un adage de vieux sage : « Quand on accumule les défenseurs, on déresponsabilise chacun d’entre eux. »

 

Rares sont les consultants qui se démarquent. Soulignons les efforts de Sidney Govou, qui décortique le geste. Ses réflexions portent plus sur l’attitude d’un joueur que sur le mouvement d’une équipe.

 

L’exercice du commentaire en direct est moins facile. Comment faire coexister instantanéité et recul, émotion et analyse ? Rares sont les consultants qui se démarquent. Soulignons les efforts de Sidney Govou. Le Lyonnais se fait moins « tacticien » que « technicien » : il décortique le geste. Ses réflexions portent plus sur l’attitude d’un joueur que sur le mouvement d’une équipe. Même chose lors des « palettes » – des animations graphiques – de l’émission J+1, où il met à profit ses dix années passées sur le flanc droit de l’OL pour montrer comment les ailiers de Strasbourg, par exemple, se servent du repli défensif pour contre-attaquer.

 

 

Les couteaux suisses

 

 

On attend d’un consultant qu’il utilise son expérience pour faire voir le foot différemment. Recruteur pour Arsenal de 1998 à 2004, puis directeur sportif de Liverpool entre 2010 et 2012, Damien Comolli parvient à mettre la sienne au service des fans de Premier League, sur SFR Sport. Un exemple, lors du débrief de Newcastle/Manchester City, le 27 décembre : « Je connais Ryan Sterling depuis qu’il a 16 ans. Il avait déjà toutes ses qualités actuelles sauf l’adresse devant le but. On voit sur cette action qu’il y a eu un déclic sous Pep Guardiola. Trop court pour prendre la balle du pied droit, il a la lucidité d’utiliser son pied gauche pour marquer. »Ou l’art de décrypter un geste sous l’angle historique, grâce à son bagage personnel. Mais Damien Comolli est aussi capable de vous dire comment les dirigeants de Swansea s’y prennent pour recruter leur nouvel entraîneur. Et de rappeler l’identité de jeu du club dans la foulée…

 

Didactique, Christophe Lollichon peut décrypter la psychologie d’un joueur sur le terrain, d’un entraîneur avant un match ou d’un président à l’intersaison. Et il met en lumière les stratégies des clubs à long terme.

 

SFR a trouvé la bonne personne pour mettre en perspective le foot anglais, dérobé à Canal+ il y a un an et demi. La chaîne cryptée s’est consolée en enrôlant Christophe Lollichon dans son équipe de consultants. Lui aussi connaît la Premier League de l’intérieur : quand il ne squatte pas les plateaux de télé, il entraîne les gardiens de Chelsea. Serein, raisonné, didactique, il peut décrypter la psychologie d’un joueur sur le terrain, d’un entraîneur avant un match ou d’un président à l’intersaison. Cet art de varier les échelles d’approche met en lumière les stratégies des clubs à long terme. Exemple avec son explication de l’importance d’un match de Ligue des champions pour une équipe déjà éliminée, en l’occurrence l’AS Monaco : donner de l’expérience aux jeunes, les exposer médiatiquement pour leur faire prendre de la valeur, travailler d’autres schémas…

 

 

Les poètes

 

 

« Il voyage tout seul, avec zéro accompagnat… accompagnateur ? Accompagnant ? Ça se dit ? » Ça, c’est Omar da Fonseca qui commente Real-Barça, sur beIN Sports. L’Argentin manie aussi bien le néologisme que Messi le ballon rond. Ah ! Messi… « Il leur a fait l’amour sans préliminaires ! »« Il lui a donné le biberon, il lui a changé la couche ! »« Sortez les pyjamas et allez vous coucher ! » Si l’attaquant de Barcelone donne le tournis aux défenseurs du monde entier, il a surtout le pouvoir de rendre dingue Omar da Fonseca. Et on les aime bien, ces envolées de supporter. D’autant qu’elles s’accompagnent d’efforts dans la lecture tactique des rencontres.

 

Le dictionnaire permettant de comprendre Luis Fernandez n’a toujours pas été imprimé.

 

Et on comprend ce qu’il veut dire. C’est plus gênant lorsque la langue de Molière est remaniée par un Français. Le dictionnaire permettant de comprendre Luis Fernandez,par exemple, n’a toujours pas été imprimé. Avec Laurent Paganelli (qui a inventé le rôle du consultant au bord du terrain), c’est l’inverse : l’ancien Vert nous régale quand il s’essaie aux langues étrangères (« Luiz Gustavo, grandé rougador, grandé goal, obrigado, gracias ! ») Merci à toi, Paga !

 

 

Les grandes gueules

 

 

La poésie, Habib Beye n’en a pas grand-chose à faire. Que ce soit sur le plateau du Canal football club ou au commentaire des matchs en direct, l’ancien défenseur marseillais envisage son rôle de consultant comme un sport de combat. Pointilleux, véhément, affirmatif. Son clash avec Paul Le Guen après la débâcle de Marseille contre Paris, en février 2017, en a été le symbole. L’ancien entraîneur du PSG lui reproche d’être trop exigeant avec l’OM ? « Je ne suis pas un doux rêveur ! », répète-t-il à n’en plus finir. Ah ça, non, Habib Beye n’est pas doux. Pour lui, ce soir-là, la prestation des Marseillais avait été « inacceptable ». Le foot, c’est du sérieux.

 

Pierre Ménès est aussi foncièrement méchant avec les absents que dégoulinant de miel avec des invités controversés, comme Karim Benzema ou Serge Aurier.

 

Ça l’est aussi pour Pierre Ménès. « Il se goure tout le temps, Schneider, lance-t-il à la mi-temps de Montpellier/Marseille, le 3 décembre dernier, provoquant les rires du public. C’est pas compliqué : quand il y a penalty il le donne pas, quand il y a pas penalty il le donne. » A côté des analyses de jeu pertinentes, Canal est devenue spécialiste du commentaire de l’arbitrage. Un exercice nettement plus vain, mais qui a le mérite d’alimenter le moulin de Pierre Ménès, aussi foncièrement méchant avec les absents que dégoulinant de miel avec des invités controversés, comme Karim Benzema ou Serge Aurier.

 

Dans le rôle du consultant qui n’a jamais mis les pieds dans un club de haut niveau, Daniel Riolo s’en tire mieux, sur BFM Sport : ses opinions catégoriques séparent la France en deux, mais elles ont toujours le mérite d’être argumentées.

 

 

Les pantouflards

 

 

On ne saurait achever cette cartographie du nouveau monde des consultants sans mettre le nez dans ce grand, ce très grand pays où fleurissent les emplois fictifs. Il y règne le consensus et, à tout casser, trois adjectifs (« compliqué »« exceptionnel » et « magnifique »). Si les pantouflards vivotent sur toutes les chaînes, beIN Sports en reste l’indétrônable pourvoyeuse. Allant même jusqu’à leur donner un nom : « les experts ». Grands sourires, tutoiement, claques dans le dos : on est tous copains mais personne ne dit rien. Robert Pirès, Marcel Desailly, Ludovic Giuly, Eric Abidal, Jean-Pierre Papin… L’image de mar­que, pourtant, doit valoir cher.

• Multiplex Ligue 1, 20e journée, samedi 19.55, beIN Sports 1

• Nantes/PSG, 20e journée de Ligue 1, dimanche 21.00, Canal+

• Liverpool/Manchester City, 23e journée de Premier League, dimanche 14 janvier, 17.00, SFR Sport

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