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Can hors compétition


serdam

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Can hors compétition

 

 

 

 

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Rétrospective en triple album des 45 tours de la grande époque de Can, légendaires éclaireurs du Krautrock. Vingt-trois morceaux pour redécouvrir ces maîtres de l’hypnose, l’année où leur batteur de génie, Jaki Liebezeit, a tiré sa révérence.

 

On a beau se torturer les méninges, on ne se souvient pas avoir acheté un 45 tours de Can. Pas même sûr d’en avoir jamais vu un. Certains coûtent une fortune aujourd’hui dans les bourses aux collectionneurs. Leur tirage était limité, ils se vendaient peu, le format ne convenait ni au groupe, ni à son public qui voulait que ça dure toujours plus. Can était un groupe taillé pour les faces de 33 tours. A leur grande époque (qui fut brève, 1970-1975 pour faire rond), leur musique était difficilement réductible aux trois minutes réglementaires pour passer à la radio. Les Allemands de Cologne étaient surtout connus pour des expériences qui flirtaient avec les limites, des concerts où les morceaux s’étiraient d’un motif rythmique martelé jusqu’à la crise de nerfs, et des chanteurs qui lâchaient prise et basculaient dans la folie. Malcolm Mooney, le premier, sculpteur noir américain, scanda un soir la même phrase, « en haut, en bas », pendant trois heures, même après que ses complices eurent quitté la scène (il finit par s’enfermer quatre jours dans un placard avant de repartir aux Amériques). Damo Suzuki, le deuxième, un auto-stoppeur japonais, chanteur-prophète-samouraï illuminé, repéré dans la rue, participa à son premier concert sans avoir répété ni entendu la moindre note.

 

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Can ne se laissait enfermer en rien. Surtout pas dans la commercialisation au carré, l’objet de consommation courant, comme la boîte de conserve qu’il avaient ramassée dans un restaurant turc pour la mettre en couverture de leur album Ege Bamyasi (où figure paradoxalement Vitamin C, un des morceaux de trois minutes les plus efficaces de tous les temps). En anglais, Can, c’est la boîte de conserve, y pensaient-ils seulement ? « Can signifie Communisme, Anarchie, Nihilisme », s’amusait Irmin Schmidt, l’homme aux claviers, le porte-parole du groupe, lors d’une rencontre avec un journaliste londonien en 1973. Il avançait aussi que le nom du groupe avait un double sens, évoquant « l’âme » et « la vie », il parlait d’Offenbach qui venait de Cologne, comme eux, et avait inventé le can-can. Si ces pistes ne suffisaient pas à brouiller les esprits, il expliquait que leur ville d’origine avait la forme d’une boîte. Les Anglais étaient déroutés, fous de ce groupe allemand à l’esprit dada qui, même à l’époque de Pink Floyd ou de Soft Machine, ne ressemblait à rien (à la rigueur, à Hawkwind, écrivaient certains). Leurs perspectives étaient singulières. Ils avaient étudié auprès de  Karlheinz Stockhausen de Giörgy Ligeti et improvisaient de longues suites sans se référer à l’élasticité du blues américain, sans rien partager avec les groupes hippies, comme le Grateful Dead, qui s’éclataient en prenant les mêmes drogues qu’eux.

 

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Soul Desert, le premier single sur la compilation qui paraît aujourd’hui (Can - The Singles), est une rareté qui remonte à la formation du groupe (qui se nomme encore The Can) dans l’esprit de 1968, dans l’élan communautaire qui s’enracine en Allemagne (et donnera aussi la bande à Baader) et vise à abolir les règles et les hiérarchies. Can est un groupe sans leader, et surtout sans auteur ni compositeur. Pour rien au monde les musiciens n’entreraient en studio pour y jouer une musique déjà pensée par l’un d’entre eux. Tout s’invente lors de séances d’enregistrement interminables. Seize heures parfois à répéter le même motif. Jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la transe. Sur l’antique Soul Desert, de 1969, la mécanique se met en place, le chanteur pose un lamento éraillé sur une rythmique reptilienne, lente et immuable. Deux ans plus tard, Spoon, le deuxième 45 tours, est déjà un petit chef-d’œuvre condensant l’alchimie du groupe autour d’un noyau en fusion. Les mélodies flottent, la guitare et les claviers sont vaporisés dans l’espace, loin, très loin, mais fermement arrimés à la palpitation du rythme, la signature de Can, sa griffe, son signe vaudou.

 

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