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Lloyd Cole, american psycho


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Lloyd Cole, american psycho

 

 

 

 

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A l'occasion de l'édition en coffret (CD) des années américaines du génie morose de “Rattlesnakes”, retour sur le fameux premier album new yorkais. Où il s'encanaille avec Dylan et Lou Reed et prend la gueule de Charles Manson.

 

Lloyd Cole a toujours été convaincu d’avoir réussi le coup parfait. Personne ne l’a contredit. Surtout pas nous. En 1984, son premier album Rattlesnakes (« les serpents à sonnettes ») mettait (à peu près) tout le monde d’accord : l’éclosion d’un petit génie, la montée au ciel d’une pop littéraire dont Morissey et Paddy McAloon, de Prefab Sprout, attisaient aussi les flammes (« mais le premier album des Smiths n’avait rien de parfait, nuançait Lloyd Cole,alors que le notre, si ! »). Sa morgue était sans égale. Il parlait bien, ses manières étaient délicates pour une langue de vipère. Il écrivait avec finesse des chansons tournées comme des films noirs, citait Truman Capote, Norman Mailer et Simone de Beauvoir avec l’émotion à fleur de peau. Les guitares tombaient en grêle à l’américaine et sa voix utilisait tous les tours des crooners, tantôt l’aplomb d’Elvis, tantôt la versatilité de Bowie, parfois l’âpreté du Lou Reed  à l’arête des grandes villes, parfois la douleur de l’amant sacrifié, les sanglots dans la voix, la main sur le cœur. Comme dans sa grande chanson, celle qui fit frémir une génération entière et n’a jamais perdu ses sortilèges, Forest Fire (« incendie de forêt »), hymne à la passion qui brûle tout sur son passage, déclamée avec lyrisme, portée par des guitares incandescentes, mais écrite avec ce fond d’ironie, cette distance mélancolique qui ne le quittait jamais. A 23 ans, tout juste sorti de la fac de philo, à Glasgow, Lloyd Cole maîtrisait tout, le monde était à ses pieds, il rêvait d’Amérique, ses chansons en étaient gorgées. A 28 ans, il y est parti. Il voulait déjà vivre une nouvelle jeunesse.

 

 

Candeur désarmante

 

 

On l’a retrouvé à New York, un jour de l’été 1990. Ce n’était pas la première fois qu’on lui rendait visite, mais les rendez-vous précédents se sont effacés alors que, de celui-ci, il reste presque tout, jusqu’à l’odeur de bière éventée, un après-midi brûlant et poisseux, dans un bar de Bleecker Street. Lloyd Cole avait changé. Bien sûr, il avait déménagé pour une autre vie sur un autre continent, il s’était séparé de son groupe, The Commotions, et venait d’enregistrer son premier album sous son propre nom, ça ne préparait quand même pas au choc de la nouvelle rencontre. Il attendait dans l’ombre, assis près d’un juke-box, et ça n’était plus la même personne. Il portait avec une candeur désarmante (« je n’avais que 29 ans », dira-t-il plus tard) sa nouvelle tête de rocker, les cheveux longs qui lui donnaient des airs de Jim Morrison, un blouson de motard à côté de lui, comme un fétiche, malgré la chaleur du dehors. Il fumait des Lucky Strike pour l’élégance exotique du paquet.

 

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En 1990, New York était encore une ville crade et dangereuse (plus pour longtemps) sur laquelle il était intarissable comme tous les Européens qu’elle aspire d’un coup. Il avait débarqué dans l’East Village, le quartier où Willy DeVille avait composé ses albums classiques entouré des putes et des junkies. Ça vibrait et ça gueulait de partout, on pouvait encore se faire détrousser sur Times Square et, sous ses airs de faux dur, Lloyd Cole était un garçon sensible et peureux. La ville avait sur lui un effet galvanisant ; il était persuadé d’y accomplir sa mue. « Il n’y a pas de second acte dans une vie américaine », écrivait Fitzgerald. Oui, mais Lloyd Cole n’était pas américain : il était prêt pour le second acte. Il était là pour ça, il rêvait de conquête, il y croyait dur comme fer.

 

 

Durs à cuire

 

 

Et de fait, son nouvel album nous bluffait. Sans doute parce qu’on en avait envie. Il s’était installé à Greenwich Village, le quartier du jeune Dylan, et la première chanson du disque, Don’t look back, était un hommage détourné à l’auteur de I want you (dont la mélodie fantôme passe dans le disque). L’âpreté et la tension de son nouveau son n’étaient pas loin de rappeler, par moments, celles du Dylan 66. Il s’était formé un groupe sur mesure, un « gang »disait-il, un truc de garçons, pas des jolis cœurs anglais, des durs à cuire au moins en apparence. Fred Maher était aux manettes : un musicien de la scène post-punk de Manhattan, ancien membre de Massacre et de Material. Ça n’était pas rien puisque Maher venait de signer (en 1989) l’album du retour en grâce de Lou Reed, tout simplement baptisé New York. L’ombre de l’auteur de Walk on the wild side était d’autant plus envahissante que le nouveau complice de Lloyd Cole, celui qui électrisait ses compositions précieuses, était un de ses guitaristes, Robert Quine, un ancien punk new-yorkais aussi, membre du groupe de Richard Hell, fil tendu vers la légende.

 

 

Enjôleur et menaçant

 

 

Quine jouait avec une liberté et un tranchant qu’il tirait de sa fascination pour le Velvet Underground (et pour Miles Davis). Il donnait à Lloyd Cole ce que celui-ci réclamait, une furie contenue, un contrepoint acerbe à la sensibilité des paroles, au velouté de la voix. Sur une chanson comme No blue skies, le spleen prenait des tonalités de blues, les paroles s’envolaient dans l’éther que les guitares déchiraient, et Lloyd Cole, qui a toujours été un bon comédien, semblait tour à tour enjôleur et menaçant. Le son était d’une clarté enveloppante, des chœurs extatiques (mais discrets), de légères envolées de violon, des coulées d’orgue (Blair Cowan, seul transfuge des Commotions), un rythme fracassant de ciel plombé. Les cordes étaient orchestrées par Nicky Holland, une Anglaise parrainée par Tony Visconti, l’alter ego du Bowie de l’époque Ziggy. Il n’y avait pas de tubes sur l’album, mais des morceaux entêtants comme Sweetheart (« Adieu ma douce, tu ne reverras plus mon visage souriant »), qui copiait à merveille le style de T. Rex. « Il n’y avait pas de groove plus dément au début des années 1970 que celui de T. Rex,professait Lloyd Cole, même les Stones n’avaient pas ça pour eux ! »

 

https://player.vimeo.com/video/92588634

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