Aller au contenu

Les Doors et le mystère de la mono


serdam

Messages recommandés

Les Doors et les mystères de la mono

 

 

180-gr-l-actualite-du-vinyle-les-doors-et-les-mysteres-de-la-mono,M216736.jpg&key=922b565ecbf45472b37a3388f297748ca0c643d2812ff62e48fd0a65331cbaae

 

 

 

 

 

 

“Strange Days”, un des albums phares du groupe, vient d'être réédité, mais pas en stéréo... Loin du snobisme, un vrai choix de mélomane 

Depuis la mort de Jim Morrison , à l'été 1971, les Doors (ou ce qu'il en reste) sont pris d'une invraisemblable frénésie de publications. L'œuvre est courte (6 albums en moins de cinq ans) mais ses extensions et ses rééditions innombrables. Et souvent bien accordées à l'air du temps. voici donc le (re)retour des vinyles. Avec en vedette, cette année, une vraie curiosité. La version mono de leur deuxième album, enregistré pendant l'été de l'amour de 1967.

 

Selon les interlocuteurs, et selon les jours, Strange Days peut apparaître comme leur meilleur album, celui où ils découvrent la magie du studio, l'alchimie du son et gravent Moonlight Drive, People are Strange, Love Me Two Times, When the Music's over… Celui aussi où Jim Morrison se met à perdre les pédales et où ses frasques de Rimbaud psychédélique font peur à ses partenaires.

 

 

 

L'album et sa pochette façon Fellini à Venise sont bien connus. On en recense près de 140 éditions depuis 1967. Mais la version mono est une rareté coûteuse qui agite les fans depuis des lustres. Et relance sur les forums des discussions aussi cocasses qu'insensées. Où certains croient savoir que seuls quelques titres sont vraiment mixés en mono. Et les autres chansons simplement transférées dans ce format. D'autres jurent que non. Pure mono garantie. Et de raconter par le menu les heures, voire les nuits, passées à comparer les versions. Mais pourquoi la mono au fait ? Pourquoi voudrait-on y revenir alors que les premiers rayons de soleil nous confirment que nous sommes bel et bien au printemps 2015 ?

 

 

Une chaleur de son incomparable

 

 

Pour les dignes collectionneurs de vinyle, la question ne s'est jamais posée. Dans son livre Vinyl Junkies,le journaliste Brett Milano, de Boston, met en scène une figure de la scène locale, Jeff Conelly, leader des Lyres et vinyl addict endurci qui joue du rock garage depuis la nuit des temps et se fait appeler Monoman. Pour lui, les grands disques des années 60 ont été enregistrés en mono et c'est ainsi qu'il faut les savourer. La chaleur de leur son est incomparable et il nous rapprochent de l'instant magique où la musique a été jouée. A certaines époques de sa vie, il refusait d'écouter autre chose, et son groupe n'avait pas le droit de reprendre une obscure chanson des sixties tant qu'il n'avait pas entre les mains un pressage original du 45 tours.

 

Adulés par une foule de mômes qui les écoutaient sur le seul mini haut-parleur de leur transistor, les Beatles ne juraient que par la mono et investissaient toute leur énergie pour donner du relief et de la puissance à des chansons qui n'utilisaient qu'un canal. Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band, leur chef-d'œuvre psyché et azimuté, qui a fortement inspiré l'enregistrement du Strange Daysdes Doors, a été mixé en mono. Dans son livre, Brett Milano joue les candides en écoutant cette version en compagnie de son camarade Monoman : « Je comprends pourquoi les fondus du vinyle sont aussi intransigeants à propos de la mono : avec un bon mix, le son semble entier, comme si tous les musiciens étaient alimentés par le même cœur. »

 

 

 

 

 

“Pour beaucoup d'entre nous, la stéréo semblait un gadget.”

 

 

Dans le petit studio aux murs de brique, sur Sunset Boulevard, où Strange Days fût enregistré, Bruce Botnik, leur ingénieur du son (et celui du Forever Changes de Love) avait apporté une copie mono de Sgt Pepper's pour chauffer les esprits avant le coup d'envoi. D'après le batteur John Densmore, Strange Days est le premier disque où le groupe se lance dans les expérimentations en vogue à l'époque : les synthés tordent la voix de Jim Morrison et lui donnent des accent sombres et prophétiques sur Strange Days, la bien nommée. Les musiciens se calent sur des bandes défilant à l'envers, enregistrent le bruit de noix de coco et de bouteilles cognées contre des poubelles. Bruce Botnik mixe en mono.

 

1967 est encore une année charnière. La stéréo progresse, la consommation de masse lui est promise, mais les musiciens résistent. Pour eux, l'enregistrement a encore des vertus purement documentaires, capturant l'esprit et la force d'un groupe au moment où il entre en studio. « Jusqu'à la toute fin des années des années 60, 95 % des américains écoutaient la musique sur un équipement mono,raconte Bruce Botnik dans un bulletin de liaison pour fan des Doors. Pour beaucoup d'entre nous, la stéréo semblait un gadget, une lubie passagère. En studio, l'écoute se faisait en mono. Et au jour d'aujourd'hui, je suis encore très attaché à ce son. Il restitue la force du groupe sans aucune distraction. Comme le noir et blanc en cinéma, il permet une inventivité extraordinaire, invite à créer des contrastes, des nuances et du relief, à trouver de la profondeur, à dissimuler certaines faiblesses, ce qui est difficile avec la stéréo. »

 

180-gr-l-actualite-du-vinyle-les-doors-et-les-mysteres-de-la-mono,M216765.jpg&key=2841acb7a8b893a55550664d0b515d3c0c6d3dc549f8c566023e5a8aab266201

 

Strange Days est un des grands disques mono publiés en stéréo. A l'époque, le mix stéréo était pourtant fait un peu par-dessus la jambe. A Abbey Road, les assistants s'en chargeaient alors que les Beatles et leur producteur se concentraient sur la vitalité de leur son en une dimension. Un grand ingénieur du son jazz, Rudy Van Gelder, qui travailla beaucoup avec John Coltrane et pour les disques Blue Note, raconte même que personne ne supervisait les versions stéréo des albums de années 60 : « Tout le travail créatif était fait en mono. »

 

 

Quelques rééditions mono :

 

 

Pet Sounds, des Beach Boys. Brian Wilson n'a jamais reconnu que la version mono de son chef-d'œuvre. Il dit l'avoir enregistré dans ce format et ce seul format parce que : 1) il n'entendait pas bien d'une oreille, 2) Il voulait contrôler à 150 % l'expérience de l'auditeur et ne pas s'inquiéter de la place que celui-ci occuperait entre ses enceintes.

 

Sgt Pepper's et Rubber Soul des Beatles. Et les premiers albums aussi. Mais même réédités, il faut sans doute attendre que les prix baissent.

 

Otis Blue, d'Otis Redding. La version mono est disponible dans l'album récemment réédité, noyau dur de rhythm and blues en fusion (un excellent coffret CD proposant le mix original de tous les 45 tours est aussi disponible).

 

Highway 61 Revisited, de Bob Dylan L'excellent label de réédition Sundazed a fourni un travail maniaque à partir des bandes originales pour retrouver la vitalité des premiers enregistrements. Ils ont aussi ressorti les premiers albums et le mix mono de Blonde on Blonde. 

 

 

 

 

  •  
     

  • Like 1
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...