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“Good Time”, ou la métamorphose de Robert Pattinson


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Un braquage suivi d’une cavale imprévisible dans les bas-fonds de New York. Les frères Safdie frappent fort avec ce polar sombre et stylé.

 

Connie est un curieux héros. Jeune délinquant du quartier défavorisé du Queens à New York, il prétend agir dans l’intérêt d’autrui — de son grand frère déficient mental, notamment. Il est filmé avec empathie, et sa jolie gueule le ferait passer pour un ange. Mais à y regarder de plus près, il entraîne tout le monde vers la catastrophe. La riche quinquagénaire (Jennifer Jason Leigh) qui l’aime semble y avoir perdu sa santé psychique. Si astucieux soit le braquage — tout en silence — qu’il organise contre une agence bancaire, le passage à l’acte tourne mal. Le frère fragile, enrôlé presque malgré lui, se retrouve en prison. Et Connie refuse de l’y laisser.

 

Les deux auteurs-réalisateurs, Benny et Josh Safdie, se sont fait connaître avec des portraits de New-Yorkais marginaux ou en pleine dégringolade : The Pleasure of being robbed (2009), Lenny and the kids (2010), Mad Love in New York (2016). Des films au budget minimal et à l’audience confidentielle, conçus dans un esprit qui remonte à John Cassavetes : caméra portée et effets d’improvisation. La touche personnelle de ces cinéastes trentenaires consiste à prendre beaucoup de libertés avec la vraisemblance et le réalisme, à flirter sans préavis avec l’absurde.

 

Cette fois, leur univers très identifiable s’ouvre à l’inédit. Ils se frottent au polar, dirigent une star, Robert Pattinson (Connie) et disposent, au vu de certains mouvements d’appareil, de moyens plus conséquents que d’habitude. Good Timeest un film noir stimulant, fêlé, imprévisible, où l’ironie du titre se prolonge par une musique électronique souvent en dissonance avec l’action. La dérive dans les bas-fonds, entre désespoir, violence et humour noir, peut évoquer le Martin Scorsese d’After hours, pour l’enchaînement de péripéties cauchemardesques, aggravées par l’alcool et la drogue. Mais plus encore le Sidney Lumet d’Un après-midi de chien, car il reste, là aussi, un lien viscéral au milieu du chaos : Connie croit œuvrer au salut de son frère.

 

L’intégration de l’ex-vampire sentimental de Twilight à ce monde interlope (où de vrais malfrats jouent peu ou prou leur propre rôle) relève du sans-faute. Robert Pattinson entre dans le film avec les cheveux bruns et l’assurance de la vedette encanaillée. Il en ressort blond platine (un stratagème de gangster en cavale, mais aussi un gag troublant), le teint grisâtre, les yeux explosés, l’hébétude fichée dans le regard. Dans Lenny and the kids, meilleur film des frères Safdie avant Good Time, un père célibataire défail­lant s’enlisait déjà, entraînant son enfant dans sa chute. Les cinéastes, qui savent (s’)amuser en route, restent lucides quant au sort qui attend, à l’arrivée, leurs héros aveuglés.

 

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Josh et Benny Safdie (“Good Time”) : “Tout film est le biopic de ses personnages”

 

 

 

 

 

 

 

Entretien 

 

 

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Robert Pattinson voulait à tout prix tourner sous leur direction. Les frères Josh et Benny Safdie ont écrit pour la star de “Twilight” un polar naturaliste très réussi, “Good Time”, filmé dans les rues de New York. Rencontre avec les réalisateurs.

 

Représentants d'un cinéma new-yorkais fauché, indépendant et relativement confidentiel, peuplé de marginaux (vagabonds, toxicos, voleurs à la petite semaine), les frères se sont, pour la première fois, confrontés au star-system. Après avoir vu et adoré Mad Love in New York (2014), leur précédent film, Robert Pattinson , le vampire scintillant de la franchise Twilight, alors en plein virage auteuriste, leur déclare sa flamme.

 

Les frères Safdie y voient la possibilité de tourner un film de genre, sans renier leurs origines naturalistes : la cavale de deux frères, habitants du Queens et braqueurs occasionnels, dont l'un est interprété par Pattinson et l'autre par Ben Safdie. Un polar, donc, mais parasité par une vue en coupe du sous-prolétariat new-yorkais. Mais aussi, encore et toujours, l'histoire d'une fratrie.

 

Rencontrés au festival de Cannes, où Godd Time  était sélectionné en compétition, ils reviennent sur la conception de ce film hybride, prototype de film noir, où la frénésie de William Friedkin côtoie le cinéma documentaire de Frederick Wisman.

 

 

Le Queens

 

 

« On a grandit dans le Queens. Un arrondissement pas vraiment cool. Rien à voir avec Manhattan ou Brooklyn. L'artère principale qui le traverse d'est en ouest, le Queens boulevard, est surnommée le « boulevard de la mort » ou le « boulevard des os brisés » en raison de son agressivité. Une route à huit voies en plein centre-ville. Un de mes amis indiens a vu sa famille entière se faire écraser par un chauffard en état d'ivresse. Ce boulevard déchire littéralement l'arrondissement de part en part. Il traverse tous les quartiers, toutes les ethnies, c'est un vrai microcosme de la planète. Vous avez les Anglais, les Espagnols, les Urugayens, les Trinitarios [un gang de rues très violent, composé de Latinos pour beaucoup venus de République dominicaine, ndlr], les Juifs, les Italiens, les Grecs, les républicains les plus réactionnaires, deux aéroports et tous les cimetières de New York ! Pendant longtemps, les gens originaires du Queens le cachaient. On bosse à Manhattan et on retourne dans le Queens pour dormir : une banale banlieue dortoir. Aucune raison d'être fier de son quartier. Pourtant, pas mal de célébrités en sont issues : les Ramones, Paul Simon, Susan Sarandon, Charly Bird et plein d'autres musiciens de jazz. Le but des habitants du Queens, c'est d'en sortir un jour. Quand nos parents ont décidé de s'y installer, on a eu l'impression de changer d'Etat tellement on s'éloignait du centre de New York. »

 

 

Robert Pattinson

 

 

« C'est lui qui nous a choisis. On travaillait alors sur un film appelé Uncut Gems, qui s'inspire d'un épisode de la vie de notre père, quand il travaillait dans le quartier des diamantaires à Manhattan. On venait de finir une nouvelle version du scénario quand Robert Pattinson nous a contactés pour nous dire qu'il voulait absolument être dans notre prochain film. Il n'y avait pas de rôle pour lui dans notre projet en cours alors on a saisi l'occasion pour écrire un nouveau film. Après le monde des toxicos dans Mad Love in New York, on voulait continuer à explorer les marges. On a jeté notre dévolu sur les petits criminels, les rêveurs d'un vie meilleure – avec toutes les questions métaphysiques qui tournent autour –, ces anti-héros qui ont passionné Norman Mailer et à qui il a consacré plusieurs roman, les gens qui apparaissent dans l'émission de téléréalité Cops. C'est ce genre de sentiments de vérité, d'urgence, qu'on cherchait à retranscrire. »

 

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