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Un joyeux enterrement


Invité pidje

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Salut,

 

Si nous sommes tous réunis aujourd’hui, Robert, ce n’est pas pour te rendre un dernier hommage comme il est de coutume en ces circonstances. Loin de nous cette idée. Le plus petit hommage aurait été grand dommage.

 

Non, dans ton cas il s’agirait plutôt de nous assurer que tu nous aies bien quitté. Et franchement, on n’y croyait plus.

 

Au terme d’une longue autant qu’infructueuse recherche, je peux affirmer sans regrets éternels qu’il est plus facile de déceler des traces d’eau sur la planète Mars qu’une once d’humanité ou les prémices d’une action dans ton parcours qui auraient mérité d’alimenter un semblant d’éloge funèbre.

 

Bien au contraire, tu as fait preuve tout au long de ton existence de facultés de nuisance que l’on pourrait qualifier de don du fiel tant elles paraissaient surnaturelles, relevées d’une persévérance hors normes dans la volonté de t’opposer au bien-être de l’humanité qui aurait mérité sans aucun doute un prix Nobel de la plaie.

 

La perte d’un proche suscite de façon générale de la peine, des regrets, une certaine nostalgie, plus rarement une hilarité générale. Avec toi, rien de tout cela. Une douce euphorie mêlée de soulagement nous envahit en nous rappelant qu’il ne faut jamais désespérer, et que le temps finit toujours par avoir raison des mauvaises herbes les plus tenaces.

 

Nous ne te regretterons pas mais il nous sera difficile de t’oublier de sitôt.

 

Tu avais toujours un petit mot déplacé quand tu croisais quelqu’un, n’oubliant personne, je devrais même dire n’épargnant personne. De ces petits mots qui ne coûtent rien mais qui te ruinent le moral pour le restant de la journée.

 

Tout jeune déjà ton aptitude à pourrir la vie de tes congénères n’avait échappé à personne. Ta précocité dans la malfaisance avait été détectée dès l’âge de 3 ans lorsque tu avais manqué d’étouffer ta sœur en tentant de lui faire avaler ta girafe en caoutchouc. Mais elle a vraiment été mise en pleine lumière le jour de tes 8 ans, jour mémorable où à l’aide de tes bougies d’anniversaire tu as réussi à mettre le feu à l’église pendant la cérémonie des Cendres.

 

Pour faire bonne mesure, tu avais même entrepris quelques temps plus tard de nettoyer le chat de ta voisine en ayant recours à l’efficacité de la machine à laver de tes parents, et tu t’en étais tiré en invoquant l’excuse d’avoir lu « Le chat machine » sur le paquet de lessive. Mettons cet écart sur le compte d’un déficit d’information ou d’une publicité mensongère.

 

Par la suite, tes études ont été couronnées de trois suicides, deux dépressions et un délirium tremens de professeurs. Tu aurais pu faire mieux mais elles furent brutalement interrompues au début de ton année de seconde, peu après une tentative de strangulation sur la personne de la conseillère pédagogique d’éducation qui t’avait il est vrai, reproché un retard. Il est à signaler que beaucoup te soupçonnent de ne pas être totalement étranger aux décès accidentels de deux de tes camarades de classe, le premier d’une perforation de l’estomac due à la présence inopinée et inexpliquée d’acide sulfurique dans son chocolat, le second après une chute malheureuse dans l’escalier après avoir bêtement trébuché sur ton pied.

 

Rappelons que pour ton vingtième anniversaire, tu avais élaboré et mis en pratique le plan machiavélique consistant à tester les freins de la chaise roulante de ta grand-mère handicapée en la lâchant du haut de la rue conduisant à l’église. Par miracle le portail était resté ouvert, les voies du Seigneur étant pour une fois pénétrables, et elle avait pu s’arrêter devant l’autel sans faire les frais du stationnement, contrairement au curé terrassé par l’émotion.

 

Une telle créativité mise au service du mal ne pouvait que ravaler le diable en personne au rang de bienfaiteur. Tu as poussé le vice jusqu’à ne jamais payer un seul café à tes collègues de bureau, montrant ainsi à quel point ton abjection ne pouvait souffrir la moindre contradiction.

 

La délation, la fausse rumeur, la calomnie, le vol formaient ton lot quotidien. Avec ce petit grain de méchanceté supplémentaire qui faisait ton charme. Le vol du portefeuille du Directeur en accusant ton propre frère d’avoir commis ce larcin avec la complicité de la DRH restera un grand moment de ta carrière. Soit dit en passant, tu ne m’as jamais rendu le stylo à quatre couleurs que je t’avais prêté dans un moment d’égarement.

 

J’épargnerai à l’assistance la litanie de tes méfaits qui nous conduirait au bout de la nuit et aux confins des ténèbres.

 

Toi qui pensais nous enterrer tous, tu es parti le premier, contredisant ainsi le dicton affirmant que les meilleurs partent toujours les premiers.

 

Je ne crois pas aux revenants mais surtout ne reviens jamais ! Avec un fantôme de ton espèce, l’humanité serait dans de beaux draps …

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