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James Brown fait péter l'Apollo


serdam

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James Brown fait péter l’Apollo

 

 

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Cadeau inestimable à l'approche des fêtes, le fameux “Live at the Apollo (Volume II)” de James Brown nous revient en triple album, avec l'intégralité du concert et un son d'enfer. Le témoignage d'une passion brûlante entre le chanteur et son théâtre d'adoption.

On peut s’égarer facilement dans la discographie de James Brown. Le disque légendaire enregistré à l’Apollo de Harlem, par exemple, est un piège. L’album live des albums live, sur lequel une génération de fans européens s’est cassé les rotules à la fin des années 60, est un remake. C’est écrit sur la pochette (« Volume II ») mais on n’y fait pas forcément attention. Le premier volume date de 1963 et il a lancé la révolution. A l’époque, personne n’aurait misé un sou sur un disque de concert. James Brown, lui, a investi tous ses biens. Et ramassé la mise.

 

A sa grande surprise, l’album enregistré sur le vif un soir de l’automne 1962, avec les moyens du bord, est resté plus d’un an accroché aux cimes des hit-parades américains. Les magasins du pays ont peiné à faire face à la demande. Les concerts de James Brown étaient une expérience inoubliable, les Américains n’en revenaient pas de la revivre chez eux. En 1967, « the hardest working man in show-business » (le plus plus gros trimeur du showbiz), qui n’est pas du genre à laisser refroidir une bonne piste, décide de remettre ça. Il est au pic de sa gloire hystérique et veut en garder une trace. Il s’installe à l’Apollo pour une dizaine de jours et enregistre un deuxième live qui fera date (un volume 3 est gravé en 1971 sous le titre Revolution of the mind).

 

 

Un nouvel âge rythmique

 

 

La série n’a rien d'étonnant. James Brown est chez lui sous les balcons du théâtre soul, jazz et blues de la 125e Rue. Pendant les cinq ans qui séparent les deux enregistrements, il s’est produit près de deux cents fois à l’Apollo. « J'ai besoin d’y jouer,confiait-il en 1967 à Alan Leeds, promoteur de ses tournées. Ça me tient en éveil. Il faut que j’y donne au moins un concert tous les six mois. Quand on change de ville tous les soirs, il est facile de laisser le spectacle ronronner. Mais ce public-là ne vous laissera pas donner le même show que la fois précédente. »

 

 

“Une fois qu’on a mis cette salle à genoux, on peut aller partout dans le monde. Et démonter n’importe qui.” James Brown

 

 

A New York, il faut du neuf. Et du neuf, James Brown en a toujours à revendre. La vie sur la route, les tournées sans fin, la fréquentation assidue de tous les ghettos d’Amérique le tiennent au courant de chaque nouvelle mode, de tous les sons, de toutes les danses qui s’inventent dans chaque quartier et qu’il diffuse dans sa performance. « Chaque fois que je reviens à l’Apollo, disait-il, je fais une pause pour répéter. Parce qu’une fois qu’on a mis cette salle à genoux, on peut aller partout dans le monde. Et démonter n’importe qui. »

 

 

 

En 1967, James Brown est sûr de son fait. Il est prêt à enregistrer un nouvel album révolutionnaire et à faire basculer ses hurlements soul teintés de gospel dans un nouvel âge rythmique. Il vient d’enregistrer Cold Sweat, prototype funk, dont il donne la primeur au public new-yorkais. Sur le front des concerts, personne ne l’inquiète. Il a réglé leur compte aux Rolling Stones  sur le plateau du TAMI show et ce n’est pas leur album live enregistré l’année précédente (Got live if you want it) qui va lui donner des sueurs froides. Leur son est strident et maigrelet, le groupe comme balayé par l’hystérie de ses fans.

 

 

 

 

 

L'Amérique noire à ses pieds

 

 

Le seul véritable concurrent, c’est Oris Redding  , qui s’apprête à électriser le public rock du festival de Monterey et à publier, au cœur de l’été, un disque de ses prestations échevelées sur les scènes d’Europe. James Brown allume le feu dès les premières chaleurs, il réserve l’Apollo pour dix soirées, entre le 16 et le 25 juin, moins d’un mois après avoir fait trembler les murs du Madison Square Garden. Son show est rodé. Il l’a promené partout et il est prêt à aller ailleurs. L’Amérique noire est à ses pieds : après avoir retourné Harlem une fois de plus, il partira faire ses débuts à Las Vegas dans les salons du Flamingo.

 

James Brown est quasiment un enfant de l’Apollo. Comme beaucoup de stars de la soul, c’est dans ce théâtre qu’il a vu le jour. La légendaire Amateur Night, le radio-crochet du mercredi soir où tous les jeunes talents de l’Amérique noire viennent s’étriper un jour ou l’autre, il s’y est présenté, lui, au milieu des années 50. « Il n’avait rien, se souvient un musicien de l’époque. Pas de costume pour chanter, même pas une paire de chaussures. Je lui ai donné des baskets blanches. Quelqu’un lui a filé un pantalon, un autre une chemise. Il est monté sur scène, il a gagné et n’a plus jamais regardé dans le rétro. »

 

 

Il lui avait fallu supplier le directeur de la salle de lui laisser une chance, le plateau était saturé, il n’y avait plus de place pour un nouveau candidat : « Je suis le meilleur, je suis meilleur que Little Willie John », affirmait le gamin de Géorgie. Le maître des lieux a craqué. Et le King n’a plus jamais rien eu à demander. Dix ans plus tard, il fait ce qu’il veut. On n’essaie même plus de lui imposer l’orchestre maison qui accompagne toutes les stars en visite. Pas question de le séparer de sa troupe, qui est un véritable commando et qui, depuis plusieurs mois, n’a (presque) pas changé et avance en rangs serrés.

 

 

Quatre concerts par jour 

 

 

Il a joué plus de deux cent fois à l’Apollo, mais tient à ce que celle-ci soit la bonne. Il veut faire cramer le vinyle et a invité toutes les sommités des quartiers. C’est Frankie Crocker, le roi de de la radio, le baratineur de génie de WWRL, qui est chargé de chauffer la salle. Dehors, c’est étouffant, plus de 30 degrés, première vague de chaleur de l’été new-yorkais. A l’intérieur, c’est la folie. Les records de ventes au guichet explosent une fois de plus, on s’écrase au balcon, on présente le vendredi soir une récompense à James Brown pour avoir vendu un million de tickets à l’Apollo. Il donne quatre concerts par jour et choisit d’enregistrer l’un des derniers, le samedi soir à minuit, alors que toute la ville est de sortie, que les plus beaux marlous et leurs dames se pressent au balcon. On les entend exulter à chaque break.

 

 

“Dès la troisième fois que j’ai joué là, j’ai senti que je connaissais chaque centimètre de la scène, chaque accessoire.” James Brown

 

 

« Monter sur cette scène, disait-il, c’est comme retourner chez soi. On retrouve les mêmes têtes dans les coulisses et dans les rues autour de la salle. Des vendeurs de camelote ou des filles qui leur filent le train pour essayer d’entrer. Ou de simples fans. Qui reviennent toujours d’une année sur l’autre. Dès la troisième fois que j’ai joué là, j’ai senti que je connaissais chaque centimètre de la scène, chaque accessoire. J’aurais pu chanter les yeux fermés et reconnaître chaque spectateur au balcon. Rien qu’au son de sa voix. Les premiers rangs, on avait l’impression qu’ils étaient sur scène, et c’étaient toujours le mêmes mecs. Ils faisaient partie du spectacle. »

 

On connaît la suite. Ou si on ne la connaît pas, il faut la découvrir dare-dare. La salle est en feu et le chanteur aussi ; au bout d’un moment, on ne sait plus qui embrase l’autre. La version qui paraît aujourd'hui en triple vinyle (et qui existe aussi en CD) ne laisse aucun détail dans l’ombre et, à la différence de l’album d’origine, reproduit le concert tel qu’il a été donné, dans le bon ordre et avec les versions dantesques de certains morceaux qui avaient du être tronçonnées à l'époque (It’s a man's man’s world, dix-neuf minutes sur une seule face.) On s’y croirait.

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