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Où est passé l’ovale parfait ?


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Rien ne passe, rien ne va. Aujourd’hui, un essai est manqué et le monde s’emballe. L’histoire du rugby montre pourtant que la patience est mère de la vertu. Pour oublier les actuels déchaînements de communication, il est bon de se rappeler des joueurs d’exception, seules vraies légendes de l’ovalie.

Patience » : c’est le mot qu’employait déjà Louis Hémon, le chroniqueur sportif au tout début du siècle précédent en analysant le retard enregistré par les rugbymen français face aux anglais. En les regardant jouer, il écrivait : « J’ai pensé que nous arriverions peut-être un jour à les égaler, mais qu’il nous faudrait encore recevoir, d’ici-là, quelques rudes leçons » (Le Vélo, 24 février 1904). Et d’ajouter l’année suivante : « Ils nous sont supérieurs non seulement par leur pratique plus ancienne et plus assidue, mais surtout par leur intérêt naturel et par la forte ténacité qu’ils y apportent […] par leur calme obstiné devant la défaite et par leur inaltérable patience » (Journal de l’Automobile, 4 février 1905).

 

 

L’ère du dégagisme

 

 

Patience et non hystérie communicationnelle : une leçon qu’aurait dû retenir un président de fédération avant de jouer aux chaises musicales et de virer un sélectionneur avant la fin de son mandat de façon scandaleuse. Il arrive que des joueurs ou entraîneurs soient invités dans des séminaires d’entreprise pour évoquer les « valeurs » du rugby, vanter l’esprit d’équipe, celui de « la gagne » et, éventuellement du fair-play. On voit bien que depuis quelques semaines, ce ne sont plus que des mots et que les valeurs financières à rendement immédiat autorisent tous les comportements les plus indélicats dans les plus hautes instances : l’ère du dégagisme sévit.

 

Et puis on siffle une équipe qui perd même quand elle est composée de joueurs de vingt ans et certains éditorialistes de la presse sportive hurlent avec les loups. Le temps du rugby, voire de tout autre sport, serait-il devenu incompatible avec l’effrénée logique du résultat ? Des équipes brillent puis d’autres jouent avec leurs moyens ; des joueurs incroyablement talentueux s’effacent pour laisser leur place à d’autres, débutants ou moins doués et il arrive encore que les amoureux d’un sport respectent ceux qui mouillent le maillot et plaquent pendant quatre-vingt minutes sans crier « démission » ou siffler en digérant dans les tribunes.

 

 

Un score sans appel

 

 

Il y a juste vingt ans, l’équipe de France de rugby reçut une correction de l’Afrique du Sud qui lui infligea un score sans appel : 52 à 10. « Quand on perd de la sorte, écrivit Pierre Villepreux dans son livre Intercalé(éd. Hugo&Cie, 2011), les explications sont dérisoires. Il faut des coupables et les plus incriminés ne furent pas les joueurs, mais les entraîneurs. L’énorme déchaînement médiatique dura trois ou quatre jours. » 

 

Et déjà, on s’interrogeait sur l’opportunité de ne plus vouloir imposer un style de jeu ambitieux à une équipe de France qui devait se recentrer sur ses fondamentaux pour gagner, peu importe la manière. Et déjà, on pointait le manque de cohérence entre championnat de France et équipe de France. Ce qui n’empêcha pas le jeu de se redéployer les années suivantes.

 

 

Un livre d’histoire superbement illustré

 

 

Pour oublier les pitoyables événements de ces dernières semaines, on peut regarder un livre d’histoire superbement illustré sur un sport qui sut entretenir ses légendes. Des légendes, des joueurs légendaires, des matchs, des gabarits qui paraissent aujourd’hui insolites, des gestes qui ont disparu ? En voici quelques-uns.

 

Lucien Mias, capitaine de la première équipe de France de rugby victorieuse en Afrique du Sud en 1958 : un médecin surnommé « Docteur Pack ». Jean Prat, « Monsieur Rugby » porté respectueusement par des Gallois sur leurs épaules ; Pierre Albaladejo, le gentleman au pied en or ; les frères Boniface qui affolaient les lignes arrière d’en face ; Camberabero qui tapait du pointu dans un ballon encore en cuir. Il y eut encore Jo Maso, trop talentueux pour des instances fédérales ; le Gallois Gareth Edwards, n° 9 gallois qui a sa statue à Cardiff ; Jean-Pierre Rives, dit « Casque d’Or » ; Blanco le funambule, Sella l’incomparable centre ; Thomas Castagnaide le « Petit Prince » ; le capitaine anglais Martin Johnson au regard si peu conciliant ; Yannick Jauzion l’intelligence faite centre ; l’Irlandais O’Driscoll le « fight spirit » incarné : Vincent Clerc, la flèche rouge et noir. Et puis...

 

La liste serait longue de tous ces joueurs qui faisaient s’envoler les bérets du stade de Colombes ou d’ailleurs même si, parfois, sur des terrains aux tribunes plus modestes, quand il y en avait, les préférences régionales faisaient entendre quelques noms d’oiseaux contre les « visiteurs ». On aurait bien aimé qu’Antoine Blondin fût encore de ce monde, lui qui aimait le sport par dessus tout, même par dessus le comptoir d’un bistrot. Il aurait insufflé un peu de littérature élégante et imagée à la place de ces épisodes de télé-réalité qui souillent un beau sport.

A lire

 

Les légendes du rugby, Oscars Midi Olympique, éd. Hugo=Sport, 226 p., 35 €.

 

Au Pied de la lettre, Louis Hémon, éd. Prête-moi ta plume, 2003

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