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240 minutes de Karim Benzema sur Canal+, un plan de com' aussi lourd que gênant


serdam

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Karim Benzema est partout. Sur Canal+, France 5, CNews, dans “L’Equipe” et même dans “Les Inrocks”. Partout, sauf en équipe de France. L’attaquant du Real Madrid, mal-aimé du foot français, a lancé un plan de communication à l’envergure étonnante pour redorer son image. Dernier épisode en date : une soirée de quatre heures célébrant ses exploits, dimanche 12 novembre sur Canal+.

 

Le football a l’habitude de laisser les offensives aux rectangles verts ; celle-ci se joue sur le papier et les plateaux de télé. Karim Benzema a lancé un plan de communication comme le monde du ballon rond n’en avait peut-être jamais vu. Adulé en Espagne mais banni de l’équipe de France, l’attaquant du Real n’est plus sélectionné en équipe de France depuis qu’on l’a soupçonné de participer au chantage de Mathieu Valbuena, en octobre 2015. Or Benzema veut disputer la Coupe du monde, l’été prochain.

 

Le point d’orgue de cette « offensive » d’un nouveau genre a eu lieu, hier, dimanche 12 novembre, entre deux matchs des Bleus, avec la diffusion d’un documentaire de deux heures à sa gloire, Le K Benzema, coproduit par Canal+ et la société Black Dynamite. Ce film très proche de l’hagiographie a succédé à deux autres heures de complaisance sur le plateau de Canal football club (CFC). 240 minutes de Benzema souriant, innocent et buteur… avec un shoot comme celui-ci, difficile de vouloir encore de Giroud à la pointe des Bleus.

 

“Celui qui ne veut pas de Benzema en équipe de France, il est bête”

 

Le plan de communication a commencé le mercredi 1er novembre, avec une interview accordée aux Inrockuptibles. On découvre un homme admiratif de Michael Mann, David Fincher, Game of thrones et de la chanteuse funk Yvette Michelle. Puis ce sont les autres qui parlent de Benzema. Mercredi 8 novembre, CNews lui consacre l’intégralité de 20h foot. En plateau, le producteur du K Benzema, Eric Hannezo, défend davantage le joueur que son film. Le lendemain, jeudi 9, c’est son véritable avocat, Eric Dupond-Moretti, qui prend sa défense sur le plateau de C à vous. Au petit matin, L’Equipe avait relancé le débat sportif en se demandant si « les Bleus ont besoin de Benzema », dans les quatre premières pages du journal. Samedi 11, France 5 parle à nouveau de l’avant-centre et du documentaire dans C l’hebdo, en invitant à son tour Eric Hannezo. Mais pour s’interroger de manière vraiment critique sur cette affaire, il faut écouter L’after foot (sur BFM Sport et RMC),

 

le film, dont le budget oscillerait entre 300 000 et 400 000 euros, aurait été produit en partie par Karim Djaziri, l’agent de Benzema. Une chose est sûre : les réalisateurs Damien Piscarel et Florent Bodin reconnaissent que c’est le joueur lui-même qui les a sollicités en premier.

 

Ce feuilleton médiatique a trouvé un premier aboutissement dimanche 12 novembre, avec ces quatre heures coupées en deux. D’abord, le CFCa donné une drôle d’impression. Le joueur entre sur le plateau sous les vivats d’un public qui scande son nom. Habib Beye en fait « le meilleur attaquant français », Pierre Ménès range ses critiques au placard, Marie Portolano part en « reportage » chez les jeunes joueurs de Lyon-Duchère, où l’on entend que « celui qui ne veut pas de Benzema en équipe de France, il est bête ». Personne ne dira que la vérité sort de la bouche des enfants, mais le téléspectateur est obligé de le penser.

 

Le téléspectateur, ou l’internaute. Les community managers de Canal envoient vingt-huit tweets relatifs à Benzema sur toute la journée. Dix-huit d’entre eux montrent le joueur en train de s’exprimer. Les « likes » et les retweets se comptent en milliers. Bref, pour Canal+, l’intérêt, c’est le buzz (surtout lors d’un week-end sans Ligue 1). Mais prendre position ainsi pour Benzema contre Deschamps a quelque chose de déroutant.

 

Ensuite, l’impression laissée par les deux heures de film ressemble à celle donnée par les cinquante minutes qui nous avaient été montrées il y a trois semaines : on cherche moins à comprendre le « cas Benzema » qu’à prouver son talent, son innocence et à reprocher sa stigmatisation. En introduction, et dans l’ordre, Zinédine Zidane, Cristiano Ronaldo, Franck Ribéry, Thierry Henry, Ronaldo (bis) puis Gareth Bale et Florentino Pérez (le président du Real) lui tressent des lauriers à tour de rôle. Chez Canal, on affirme que la version proposée dans un premier temps par Black Dynamite était encore plus hagiographique…

 

 

Une enquête objective… pendant cinq minutes

 

 

Heureusement, le documentaire finit par apporter un élément de réponse crédible à l’exclusion de Benzema des Bleus. Le joueur nous apprend que Didier Deschamps ne l’aurait pas sélectionné pour l’Euro 2016 sous la pression de l’opinion publique : « Il m’a appelé le 13 avril 2016 pour me dire “on ne va pas te prendre à l’Euro parce que la pression médiatique j’sais pas quoi” (sic). » Benzema donne alors une interview au journal espagnol Marca, dans laquelle il suppose que le sélectionneur a « cédé à une partie raciste de la France ». Un peu plus tard, Deschamps retrouve le mot RACISTE inscrit sur sa maison. D’après le journaliste de Libération Grégory Schneider, le Basque tiendrait Benzema pour responsable de cette agression privée. Et le Basque est têtu.

 

Hélas, cette enquête objective ne dure pas deux heures mais cinq minutes. Le reste est un récit de ses exploits footballistiques et de ses qualités humaines. Les témoignages élogieux (le président de l’OL Jean-Michel Aulas, le rappeur Booba, son agent Karim Djaziri, ses amis d’enfance, ses coéquipiers à Lyon, son père…) rythment les replay de ses plus beaux buts. « On n’a trouvé personne pour dire du mal de lui »,s’est défendu le producteur Eric Hannezo sur le plateau de C l’hebdo.

 

Il est vrai que Deschamps a refusé de s’exprimer. Ce documentaire, et la charge que ses anciens partenaires Zidane, Henry, Le Guen et consorts lui infligent aujourd’hui, ne devrait pas l’inciter à sortir du silence. Benzema veut faire la Coupe du monde, mais affliger ainsi le sélectionneur est-il le meilleur moyen d’y parvenir ? Peut-il revenir sans exprimer le début d’un regret ou de mea culpa ? En tout cas, le voilà qui sort du silence à peu près au même moment qu’avant l’Euro 2016 : environ six mois avant la compétition (le 2 décembre 2015, il avait donné une interview, un peu ratée, au 20 heures de TF1). Mais cette fois, Benzema pense peut-être moins au tournoi lui-même qu’à ce qui suivra. Ce documentaire a pour but de prouver que ce footballeur fantastique est aussi un homme intègre. Et ainsi, en cas de Coupe du monde ratée, d’en faire le grand joueur qui manquait aux Bleus pour décrocher le graal. Ce que Cantona et Ginola espéraient sans doute un peu, il y a vingt ans…

 

https://www.youtube.com/watch?v=JAMJAOdXBEQ

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